Les minutes ayant défilé sur son écran lors de l’entretien téléphonique, Il lui faut maintenant retourner à la place où l’ogre s’attend à la trouver : la cuisine . Alice entame donc le chemin qu’elle a emprunté il n’y a pas loin d’une demi-heure. Mais cette fois elle osa regarder discrètement par la fenêtre du salon. Il se tient là, comme toujours. Affalé sur le fauteuil en cuir noir, sur l’accoudoir, un cendrier rempli à ras bord encore fumant du dernier mégot déposé là. Au sol des capsules de bières trempant dans le liquide qu’elles sont censées conserver. La voilà rassurée, la scène qu’elle observe ne peut être plus habituelle. À un point tel qu’on pourrait venir à cette fenêtre chaque soir et croire qu’on observe un tableau exposé dans un musée de nature morte. Il n’a donc pas remarqué son absence. Il ne se doutera pas de ce qui l’attend.
Une fois la cuisine atteinte, Alice s’affaire à trouver une arme. Elle n’est pas de taille à affronter l’ogre à la régulière et elle en es consciente. La femme doit établir un plan pour le surprendre lorsqu’il franchira la porte. Il ne doit pas avoir le temps d’agir, ni même de réagir.
D’après l’horloge à pile encastrée dans le mur il ne doit rester à Alice qu’une vingtaine de minutes. Il lui faut s’activer. Elle essuie et range donc tout d’abord sa vaisselle. Casserole, poêle et couverts. Laissant uniquement le couteau de cuisine près de l’évier.
Treize minutes.
Elle nettoie la table, prenant soin de ne faire tomber aucunes miettes au sol.
Dix minutes.
Elle remplie sa cafetière et la met sur le gaz. En attendant que l’eau ne boue, elle sort un grand mug qui sert à l’ogre chaque matin au réveil.
Cinq minutes.
La cafetière à l’italienne commence à siffler et le liquide caféiné à changer de récipient.
Trois minutes.
Le café est prêt. Alice éteint le gaz, verse le liquide bouillant dans le mug et replace la cafetière dans l’évier.
Une minute.
On y est. Le fameux râle qui, pour cette nuit, fait office d’alarme se laisse entendre.
BOUM…
« Une… »
BOUM.
« Deux… »
BOUM BOUM…
« Trois ! »
La porte grince et s’entrouvre. L’ogre n’a pas le temps de décrocher un seul mot. Alice Attrape son mug et jette en direction de l’horrible visage vert. Il tressaille. Crie sous l’effet de la brûlure qui l’aveugle. La femme poussée par sa peur et le cri que son adversaire pousse attrape le couteau de cuisine, se rue sur lui et assène un premier coup qui lui entaille l’épaule. L’ogre se dégage d’un mouvement de bras. Elle recule. S’abaisse. Revient à la charge. Plante le couteau dans le bas du ventre, n’a pas le temps de le retirer qu’elle reçoit un coup de genou au visage. C’est au tour de l’ogre d’attaquer. Il la rattrape au sol. Serre son poing. Un coup, deux coups. Les os de la mâchoire craquent.
« Il ne peut pas me faire de mal. Il ne peut pas me faire de mal. Il ne peut… »
Alice n’a d’autre choix que de crier ces mots. C’est sa manière à elle d’affronter sa peur, sa douleur, de résister tandis que les coups tombent. Grâce à eux, elle sait à chaque sursaut que son corps produit sous les coups de l’ogre qu’elle s’est promis d’en finir ce soir !
Pendant le court laps de temps où le troisième coup chute en direction de son nez, elle se tourne. Le laissant fendre le carrelage et les phalanges qui composent le membre. Le temps du craquement des os suffit à Alice pour rattraper le couteau et l’extraire du ventre de l’ogre. Elle lève son bras et le plant dans le cou de la créature. Un bruit sourd qui signifie sa chute se fait entendre. Puis le silence.
Le cauchemar est enfin terminé.
Alice se relève, contemple sa robe devenue rouge, se retourne et sursaute en apercevant sa fille. Elle semble heureuse, bien que son regard reste lourd en regardant l’alliance de son père baignant dans le sang.
« Ne t’en fais pas maman, tu as bien fait. Il ne méritait pas de vivre. »
J’aimerais remercier mes bêta-lectrices :
Ma femme